Le projet de développement durable n'est pas concevable sans un essor des connaissances scientifiques et des innovations techniques. Dans le même temps, il appelle un élargissement des références spatio-temporelles usuelles des actions économiques et a trait à l'intégration à part entière, dans les stratégies de développement, de la préservation de biens collectifs naturels comme le climat et la biodiversité et de la satisfaction des besoins essentiels des groupes de population dont la demande n'est pas solvable. Cela n'est pas acquis spontanément dans une société de la connaissance qui peut engendrer de nouvelles inégalités et exclusions et qui appelle, pour être compatible avec le projet de développement durable, de nouvelles régulations de l'interface entre sciences, techniques et société. La recherche scientifique et technique moderne doit être assumée dans son ambivalence, à la fois porteuse de progrès et de nouveaux risques collectifs. Ses productions techniques doivent être passées au crible des objectifs du développement durable. Aussi bien convient-il d'intégrer une pensée des limites de la nature à l'intérieur de la réflexion stratégique sur le développement, entre autoréférence et hétéroréférence, et de donner toute sa place à un principe de précaution correctement compris comme règle de prise en compte précoce de risques potentiels. Ce principe appelle d'ailleurs le resserrement des liens entre la gestion collective des risques et l'attention donnée à la vie scientifique, de façon à adapter les mesures de précaution à l'évolution des connaissances. Au-delà, la recherche scientifique ne peut éviter d'être affectée par la problématique du développement durable, bien qu'elle puisse répondre à différents niveaux de profondeur. Il lui faut d'abord se saisir de nouvelles questions, puis consentir à faire du développement durable un nouvel objet d'étude, centré sur les enjeux et modalités de l'intégration des dimensions et contraintes de divers ordres qui est au cœur de ce projet. Il lui faut enfin promouvoir de nouvelles pratiques de recherche, visant la production de connaissances intégratives et plus ouvertes sur les acteurs du développement durable aux différents stades de la recherche et du développement technique. Cela doit déboucher sur des partenariats élargis aux acteurs porteurs des différents points de vue pertinents sur le développement, sans se restreindre aux seuls acteurs économiques.